Cheptel
MICHEL SCHWEIZER
Quoi de plus difficile pour un adolescent que de se faire comprendre d’un adulte ? Et qu’en est-il de l’inverse ? C’est cette situation que Michel Schweizer a décidé d’explorer avec huit jeunes empreints de la fraîcheur et de la spontanéité de ce que le philosophe Michel Serres appelle « cette période d’intense basculement ».
Huit individus âgés de 12 à 15 ans sont postés au fond de la scène derrière un fil rouge lumineux, barrière symbolique qui les sépare du public. Caméra à la main, le regard planté dans celui des adultes, ils franchissent soudain la ligne rouge et s’approprient l’espace, gagnent du terrain. Ils interpellent le public avec l’ironie mordante de leur âge : on rigole, mais on est aussi un peu déstabilisé par cette liberté de parole qui pourrait bien devenir incontrôlable.
Tel le naturaliste Henry David Thoreau, un compère adulte de Michel Schweizer rejoint ensuite le groupe pour l’étudier : qu’est-ce que cette nouvelle génération a à nous dire, et va-t-on la croire ?
Mélangeant arts de la scène et sociologie, le metteur en scène et chorégraphe bordelais va, pour sa troisième venue au lieu unique (après Fauves en 2011 et Primitifs en 2016), plonger le public au cœur de la « vraie vie » et brosser un tableau très juste d’un univers à la fois familier et cruellement étranger.
Conception, scénographie et direction Michel Schweizer
Collaboration artistique Cécile Broqua
Travail vocal Dalila Khatir
Collaboration chorégraphique Ghyslaine Gau
Création lumière Eric Blosse
Conception sonore Nicolas Barillot
Construction scénographie Yann Dury
Référent pédagogique Jean-Noël Obert
Avec Zakary Bairi, Aliénor Bartelmé, Lise-Anne Bouchereau, Hélie-Rose Dalmay, Anouk Lemaine, Zoé Montaye, Rémi Plages, Pascal Quéneau et Nils Teynié
Production 2017 La Coma
Coproduction Théâtre d’Arles, scène conventionnée pour les nouvelles écritures – Théâtre de Lorient, centre dramatique national – Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines, scène nationale I Carré-Colonnes, scène cosmopolitaine Saint-Médard-Blanquefort – Espaces Pluriels, scène conventionnée danse, Pau – OARA (Office artistique régional nouvelle Aquitaine).
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LA COMA
Créée en 1995 et ironiquement identifiée comme CENTRE DE PROFIT en 2003, LA COMA reste une modeste entité culturelle implantée en Aquitaine, destinée à couvrir la diversité des pratiques artistiques (créations / performances /workshops…) que Michel Schweizer s’applique à développer en direction des publics et en faveur d’une redéfinition de la notion de « profit ».
Faire qu’on puisse penser collectivement la nécessité d’un espace public où le temps passé serait le bénéfice d’une expérience culturelle, sociale et/ou artistique, suppose alors de penser toute action artistique comme une expérience sensible (sociale) et esthétique (artistique), capable de redynamiser du désir désintéressé chez chacun d’entre nous.
Pour se faire, depuis 19 ans, LA COMA ne saurait envisager autrement son travail que dans une attitude et une entreprise de résistance politique à un climat social bien délétère…
Inclassable, bien qu’inscrit dans le champ chorégraphique, Michel Schweizer opère dans ses différentes créations, un croisement naturel entre la scène, les arts plastiques et une certaine idée de « l’entreprise ». Sa pratique consiste à décaler les énoncés et à réinjecter une réalité sociétale ou humaine sur scène, en admettant avec pessimisme ce qu’on ne peut admettre : les institutions culturelles et les oeuvres sont une affaires de « business ».
© crédits photo : F.Desmesure